La responsabilité de l’investisseur immobilier est un sujet n’est pas souvent abordé quand il est question de transactions. On préfère pointer du doigt les autre joueurs et leur faire porter tout le poids de la responsabilité en cas de pépin. Qu’en est-il du fardeau de cette fameuse responsabilité que doit assumer l’acheteur dans le cadre du processus d’achat en regard des éléments potentiellement problématiques ?
Je souris car ça me rappelle la blague que l’on s’échangeait dans notre cours d’économie à l’Université: dans notre monde capitaliste, on privatise les gains mais souvent on collectivise les pertes.
Si les choses se déroulent bien: j’ai bien fait de ne rien vérifier avant de signer en haut et en bas car j’ai pu agir vite et passer devant tout le monde.
Si les choses merdent: j’ai été mal conseillé, les autres avaient une obligation de moyen et de résultats à mon égard, or donc ils sont entièrement responsables de mes ennuis et de mes pertes.
Des exemples:
- Zonage: Illusion: je crois acheter une maison de chambres qui a des droits acquis. Réalité: Après l’achat, j’apprends que l’usage maison de chambre n’est pas permis selon la grille de zonage et je ne peux l’opérer sans d’abord obtenir un changement de zonage ( coûteux et sans garantie de résultat puisque la décision de le permettre est à l’entière discrétion des autorités compétentes).
- Installations sanitaires: Illusion: le vendeur déclare les installations conformes. Réalité: Aucun permis n’a jamais été demandé auprès de la municipalité et/ou, suivant le dossier consulté après coup au département des Permis et Urbanisme de la municipalité, la taille de la fosse est pour une maison de 2 chambres alors qu’il y en a 4. Note et anecdote applicable aux immeubles non-desservis par les services municipaux : connaissez vous la tactique qui consiste à dessiner les plans d’un agrandissement pour ajouter des pièces additionnelles, dont une chambre, et d’indiquer le mot « salon» au lieu de «chambre», le tout en vue d’obtenir un permis ?
- Contamination: Illusion: j’achète un terrain résidentiel vacant en pleine ville. Je fais faire une Phase 1 (évaluation environnementale) et je le construis. Réalité: Au refinancement, 5 ans plus tard, mon nouveau prêteur exige une caractérisation du sol ( Phase II) et l’analyse démontrent la présence de sol contaminé.
Dans les 3 cas de figure mentionnés ci-haut et tirés de vrais dossiers en responsabilité , les pertes monétaires sont majeures considérant le défaut en cause.
Mais qui donc est responsable de la situation en bout de ligne ? Est-ce l’acheteur, le vendeur,l’inspecteur,le notaire ou bien le courtier ?
Je suggère que tout raisonnement part de la question suivante: l’information est-elle cachée ou accessible ?
Les temps sont durs pour les professionnels, et ce dans la plupart des domaines qu’il me soit donné d’observer. Il n’en a pas toujours été ainsi: à titre d’exemple, avant la décision X c. Mellen rendue par la Cour suprême du Canada en 1957, disons qu’il était hasardeux de vouloir poursuivre un médecin en responsabilité professionnelle . Traditionnellement, les professionnels bénéficiaient d’une forme d’immunité sociale dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions. Le monde a changé. Le public a la mise en demeure facile et on cherche un «coupable» à qui faire porter l’odieux d’un problème et trop souvent, à mon avis, « coupable» rime avec «assurable». Ainsi, autant le courtier,l’inspecteur en bâtiment ou le notaire feront l’objet d’un reproche et éventuellement une réclamation pécuniaire leur seront adressée afin de leur réclamer des dommages basés sur une prétendue faute commise dans l’exercice de leur fonctions ou de leur mandat respectif. Pour faire une image, dans la chaîne d’acquisition immobilière, on cherchera le maillon faible pour en extraire de l’or. L’assureur responsabilité de l’individu visé par la réclamation prendra alors «fait et cause » pour son assuré et le dossier suivra son cours.
Qu’en est-il de l’obligation de l’acheteur de voir à ses affaires ? De faire diligence raisonnable ? D’agir en administrateur prudent et diligent ( autrefois nous disions en Bon père de famille..) ? L’analyse paralyse ? Oui et non. Vous aurez beau faire vos calculs, vous en remettre à vos fameux crunchers ou bien écouter votre instinct et vos intuitions, les faits demeurent les faits.
Vous qui vous apprêtez à remuer mer et monde pour passer à l’action, que ce soit encore une fois ou bien pour la première fois, faites vos devoirs !!!! Prévenez au lieu de guérir !!!
N’oubliez jamais ceci: lorsque vous pointez le doigt vers l’Autre,, 3 doigts pointent vers vers VOUS !!!
Parmi les vérifications que je vous invite à faire et qui vous aideront à devenir d’avantage street-wise et difficile à endormir :
1- Valider une par une les informations contenues dans la description fournie par le vendeur ( si c’est un AVPP) ou par le courtier.
2- Cogner aux portes à côté et vous présenter comme le futur voisin. Vous serez surpris à quel point vous recueillerez des informations si vous savez vous y prendre..
3- Exiger une copie du certificat de localisation (CL). Si ce document date d’avant la Réforme cadastrale, il se peut que les informations relative aux bornes ne soient plus exactes ( en effet la Réforme cadastrale a eu pour effet de faire gagner ou perdre de la superficie à bien des lots au Québec). Toutefois, si le CL est ancien, les informations qu’il contient quant aux usages dérogatoires ou aux empiètements devraient être encore fiables, sous réserve bien sûr de la confection d’un nouveau CL ( qui sera obligatoire si vous demandez un financement hypothécaire). Dans tous les cas, exiger qu’on vous remette une copie du CL, car un est plus grand que zéro…
4- Se présentez au Service d’urbanisme de la localité avec une liste de questions/documents à demander au préposé, tels que: grille de zonage, matrice (vue aérienne du secteur), existence et détails d’un dossier infractionnel, existence d’une non-conformité, travaux récents et permis obtenu, etc. Apportez le CL de telle sorte que vous pourrez vous y référer pendant cette rencontre avec le préposé.
5- Accompagnez l’inspecteur et posez des questions. Prenez des notes. Soyez curieux. «J’écoutes, j’apprends».
6- Consulter le Répertoire des terrains contaminés, au lieu d’attendre la mauvaise surprise et ensuite de pointer du doigt le courtier ou un autre des intervenants de la chaîne d’acquisition immobilière. On retrouve ledit répertoire ici: http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/sol/terrains/terrains-contamines/recherche.asp . En cas de doute , communiquez avec un bureau du Ministère (de l’environnement) et un préposé saura vous guider. À titre d’exemple, je vous donne le numéro de la Direction régionale de Longueuil, qui couvre la Montérégie: 450-928-7607.
7- Consulter le Registre foncier: le meilleur dollar que vous n’investirez jamais pour éviter d’en en perdre 100 000. À utiliser de façon croisé et en complément aux autres outils commercialisés de recherches immobilières. Je vous conseille surtout de lire au complet les informations qui y sont contenues. Vous pourrez ainsi vous familiariser avec le jargon juridique des termes et concepts tels que : préavis d’exercice, hypothèques conventionnelles, hypothèques légales de la construction, hypothèques légales résultant d’un jugement et déclaration de transmission.
Espérant vous avoir transmis de nouvelles connaissances et avoir fait naître en vous de nouveaux réflexes qui feront de vous un(e) investisseur avisé(e) et redoutable,
Guy Baillargeon, ll.b.
guy@guybaillargeon.com
514-569-8409